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Annexe : Divers documents

Une page du carnet de correspondance d’un élève, en 1964.

Chaque mois, on y inscrivait toutes les notes obtenues et les résultats des compositions du mois.
Après quoi le carnet était visé par l’administration puis par les parents.

Les tarifs de l’internat, en 1963

Article du journal Midi libre du jeudi 29 juin 1961 : Distribution des prix au lycée Henri IV.

Distribution des prix au lycée Henri IV –  Jeudi 8 juillet 1965- Midi Libre

Midi Libre – juillet 1962 – Distribution des prix au lycée 

Lycée Henri IV  –  Une classe de sixième en 1960-61

Lycée Henri IV – Une classe terminale en 1966-67

Liste des livres pour les 1ères , section Moderne, en 1965-66

Certificat remis à un élève félicité pour un trimestre

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Chapitre 8 : Travail scolaire, récompenses et examens – 1960 à 67

Un cahier important

Dans chacune des classes, un élève sérieux était désigné en début d’année pour s’occuper du cahier de textes de la classe ; les professeurs devaient y inscrire, à la fin du cours, le sujet traité, les exercices donnés à faire ainsi que les énoncés des devoirs. Au début de chaque heure, l’élève responsable du cahier le présentait à l’enseignant. Cet élève déposait le cahier au bureau du censeur le mercredi soir et le samedi après les cours.

Les compositions

Nous avions régulièrement des devoirs (faits en classe ou en étude), mais le plus important a toujours été la composition, un devoir en classe, portant sur tout le travail du trimestre et donnant lieu à un classement.
L’administration affichait le calendrier des compositions, par niveau ; elles s’étalaient sur deux mois, à raison d’une (parfois deux) par semaine. Cette période, renouvelée chaque trimestre, réglait notre travail ; tout élève vivait au rythme des révisions pour ses compositions, dont les résultats constitueraient l’image du trimestre écoulé.

Liste des compositions, par matière, de la 6ème à la 3ème, en section moderne : Narration – Récitation – Exercices français ( en 6ème  et 5ème ) – Mathématiques – Sciences Naturelles – Histoire Géographie – Espagnol – Anglais – (langue 1 dès la 6ème, langue 2 à partir de la 4ème ) – Musique – Dessin – Gymnastique –

Liste des compositions en second cycle (2e et 1ère modernes ; terminale Mathélem) : Composition française – Espagnol – Anglais – Histoire Géographie – Mathématiques – Physique Chimie -Dessin (seulement en seconde) – Éducation Physique –
Plus, en terminale : Philosophie – Sciences Naturelles –

En fin de trimestre, le conseil de classe attribuait le ʺ Tableau d’Honneur ʺ à tout élève méritant qui avait réussi ses compositions, avec une moyenne correcte et qui faisait preuve de sérieux et de bonne volonté.
Celui dont les résultats se situaient environ entre 12 et 14 obtenait la récompense suivante, à savoir les ʺ Encouragements ʺ. Enfin le très bon élève décrochait les ʺ Félicitations ʺ.

Document remis aux élèves ayant obtenu les encouragements

À la fin du trimestre, tous les élèves félicités ou encouragés se retrouvaient au parloir, la plus belle salle du lycée. Le proviseur, après un discours élogieux, proclamait les noms des lauréats, pour chaque classe, des terminales aux sixièmes. Chaque élève félicité recevait fièrement un beau document attestant de sa réussite pour le trimestre.

Les prix

Après les conseils de classe de juin, l’administration établissait la liste des élèves primés. Dans chaque classe, de la sixième à la terminale, pour chaque élève et dans chaque matière, l’enseignant calculait [1] la moyenne des trois compositions de l’année (celle du troisième trimestre comptant double) et classait les élèves avec ces moyennes (du moins repérait-il les sept premiers). L’élève ayant la meilleure moyenne aurait le premier prix de la matière (un beau livre), le suivant le deuxième prix (un livre). Cinq accessits s’ajoutaient aux deux prix ; ils revenaient aux troisième, quatrième, cinquième, sixième et septième meilleures moyennes dans la matière. Un accessit ne donnait pas droit à un livre, mais avoir trois accessits (quelles qu’en soient les matières) permettait à l’élève de recevoir un petit ouvrage.
Tout élève ayant obtenu le tableau d’honneur aux trois trimestres décrocherait le prix d’honneur. Le meilleur de la classe se voyait attribuer le prix d’excellence (qui pouvait parfois être décerné aux deux meilleurs) ; celui classé deuxième recevrait le prix des Parents d’Élèves (qui, lui aussi, était quelquefois accordé à deux garçons). Tous ces prix correspondaient à des livres de bibliothèque, le prix d’honneur étant plus volumineux qu’un premier prix de matière, celui des parents d’Élèves et le prix d’excellence un gros livre, documentaire ou encyclopédique.
La bibliothécaire avait minutieusement préparé toutes ces récompenses, triées par classe et par élève.

[1] Tous les calculs devaient se faire à la main, les machines à calculer et les ordinateurs n’existant pas encore.

La distribution des prix

Vers la fin juin, avec les examens (bac et brevet) les cours se trouvaient suspendus quelques jours, après quoi ils reprenaient, du moins en principe car, en ces derniers jours de classe, le nombre d’élèves diminuait drastiquement, dans l’attente de la distribution des prix.
Cette prestigieuse manifestation, allait marquer avec faste la fin de l’année scolaire, magnifiant le travail fourni par élèves et professeurs.
Dans les jours précédant la cérémonie, la grande cour prenait l’allure d’une salle de spectacle, avec, pour scène, une vaste estrade, emplie de sièges, et pour parterre, une multitude de chaises minutieusement alignées.
Au jour fixé, parents, élèves et personnels se retrouvaient pour assister à la solennelle remise des prix.
Sur l’estrade, prenaient place de nombreuses personnalités de la ville, le proviseur, le censeur et la plupart des professeurs. Les élèves primés s’installaient dans les premiers rangs de chaises, à peu près dans l’ordre des classes. Venaient ensuite les nombreux parents d’élèves.
Au pied de l’estrade, sur plusieurs tables, des livres, alignés par classe, attendaient les heureux récompensés. Le lycée ayant près de quarante divisions, avec, pour chacune, six à huit disciplines, et deux prix par discipline, la quantité de livres à distribuer s’élevait à plusieurs centaines.
Pour les élèves ayant obtenu deux prix ou plus, la pile des livres mérités avait été minutieusement ficelée, ne formant qu’un seul bloc. Plusieurs surveillants dirigés par la bibliothécaire se préparaient à assurer la distribution.
La cérémonie s’ouvrait avec un discours particulier, prononcé par un professeur ou une personnalité, sur un sujet inattendu ; ce long exposé pouvait concerner la littérature ou les sciences ou l’histoire, ou tout autre sujet. Suivaient les discours de quelques invités de marque et du proviseur.
Et on en arrivait à la distribution des prix, qui débutait par une longue série de prix spéciaux, concernant toutes les classes, des prix offerts par des institutions, des entreprises, des commerces, des associations… de la ville.
Enfin, démarrait la distribution des prix par division. Pour chaque classe, le censeur ou un adjoint annonçait le prix d’excellence, ce qui déclenchait les applaudissements de l’assistance. L’élève concerné se levait, se rendait devant les tables de livres d’où on extrayait la pile qui lui revenait (en tant que premier de la classe, ce garçon avait forcément décroché bon nombre de prix, en plus du prix d’excellence et du prix d’honneur). Une personne, souvent un surveillant, prenait le lot et, suivi de l’élève, montait sur l’estrade ; là, il donnait les livres à une personnalité qui allait remettre officiellement ce prix d’excellence au garçon, en prenant soin d’abord de parler quelques instants avec lui puis de le féliciter. Après quoi, l’enfant ainsi récompensé, descendait de l’estrade, portant fièrement sa pile de livres, et rejoignait sa place.

Pendant tout ce temps, le maître de cérémonie avait annoncé le nom du deuxième de la classe, pour le prix des parents d’élèves ; puis les noms de tous ceux récompensés par le prix d’honneur ; après quoi il égrenait, toujours pour la classe en question, la longue liste des disciplines, donnant pour chacune le nom des deux élèves ayant premier et deuxième prix. Chaque nominé se levait pour retirer ses prix auprès de la bibliothécaire et rejoindre aussitôt sa place, car seuls les tenants du prix d’excellence et, parfois, ceux du prix des Parents d’Élèves avaient le privilège d’être conduits sur l’estrade.
Puis, on passait à la classe suivante, avec des applaudissements pour le prix d’excellence …etc….etc.
La cérémonie durait une bonne partie de l’après-midi, ce qui paraissait bien long aux jeunes élèves ; une fois leurs prix reçus, ils risquaient de s’impatienter, car personne ne partait avant la fin.
L’année scolaire se clôturait quand les litanies de prix s’achevaient. Les pensionnaires partaient pour deux mois, fiers d’oublier la vie en internat. Mais à la mi-septembre ils retrouveraient le lycée et ses contraintes …

Cour d’honneur – 1965

Les examens

Le brevet, premier examen dans la scolarité d’un lycéen, arrivait en troisième. Puis, tout comme aujourd’hui, le baccalauréat marquait la fin de la scolarité secondaire. Les terminales quittaient le lycée quelques jours avant, afin de disposer du temps nécessaire aux révisions. L’examen comprenait un écrit, passé au lycée, et un oral pour ceux qui obtenaient plus de 10 à l’écrit. Vers 1967, cet oral se déroulait à Montpellier, où devaient donc se rendre les admissibles.

Ainsi se terminaient les sept années d’études en internat au lycée Henri IV de Béziers. Il fallait aimer le travail scolaire pour accepter sans dire mot cette vie de pensionnaire, si différente de la vie à la maison. Malgré ce, de nombreux élèves ont gardé du lycée un bon souvenir, même si une certaine lassitude pouvait, pour certains internes, apparaître en terminale… une aspiration à plus de liberté… une recherche d’autonomie… une porte ouverte sur l’enseignement supérieur.

Le grand escalier en 1965            La petite cour en 1965

Epilogue

Notre document relate la vie des internes au lycée Henri IV de Béziers dans les années 60.
À la lecture de ces souvenirs, on pourrait penser que le lycée de ces années-là présentait beaucoup trop de rigidité dans son fonctionnement et de sévérité envers les pensionnaires, surtout si on compare avec les internats d’aujourd’hui. Mais à l’époque personne ne s’en plaignait.
Et il est bon de signaler un important côté positif de ce système, à savoir qu’il a ouvert à de nombreux élèves l’accès à des niveaux professionnels élevés. Tout particulièrement pour les enfants de familles modestes ou en difficulté, qui purent entrer en internat grâce à l’obtention de Bourses d’État, leur permettant de suivre une scolarité normale en secondaire.
Incontestablement, les lycées ont joué un rôle essentiel dans le développement de ʺ l’ascenseur social ʺ.

Notre document concerne donc les années 1960 à 67. Mais l’année suivante, en mai 68, tout va changer.
Le rigoureux fonctionnement de l’internat va s’effondrer ; les règlements et la discipline s’assoupliront, filles et garçons se côtoieront en classe, les personnels seront indifféremment homme ou femme ; les internats prendront une allure plus humaine …

Un demi-siècle plus tard, l’auteur de ces lignes se retrouve parfois à Henri IV, en qualité de membre de l’association des anciens élèves. C’est avec plaisir qu’il remet les pieds dans ce lycée qui fut son école et sa maison sept années durant.

 

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Chapitre 7 : Les personnels du lycée entre 1960 et 1967

Ce lycée, avec ses majestueuses ailes dominant de leurs quatre étages la plaine biterroise, semblait une bien grande demeure pour un jeune pensionnaire habitué à sa petite maison de village. Mais, au fil des semaines, l’élève s’habituait à ces locaux où il allait passer sept ans de sa vie ; bientôt il connaîtrait presque tous les adultes chargés du fonctionnement, et tous les recoins des bâtiments, du moins ceux autorisés aux élèves.
Cependant, jamais l’internat du lycée et ses personnels ne remplaceraient les parents et la douceur du foyer familial.

Le lycée de garçons demeurait un domaine masculin ; point d’élève fille et très peu de dames dans les personnels. En 1960 et 61, seulement cinq ou six dames travaillaient au lycée : la bibliothécaire, l’infirmière, deux ou trois lingères et notre professeur de musique. En 1962, arriva une jeune professeure de mathématiques, et un peu plus tard, une de sciences naturelles.

Les professeurs assuraient leur mission avec compétence et talent et nous les respections. Mais quelques-uns, fort peu nombreux, portaient une solide réputation soit de grande sévérité, soit de faiblesse permanente. On craignait les premiers, on chahutait les seconds. Les deux bénéficiaient de surnoms évocateurs donnés par les élèves et solidement transmis d’année en année.
Cette règle des sobriquets s’appliquait aussi aux surveillants et surveillants généraux[1] les plus autoritaires.

[1] Les surveillants généraux étaient les ancêtres des CPE (Conseillers Principaux d’Éducation)

Comment éviter la fatigue en cours d’éducation physique

Quelques professeurs de gymnastique donnaient parfois des exercices que certains élèves non-sportifs n’appréciaient pas. Mais, ces derniers contournaient ces difficultés. En voici deux exemples :

En début d’heure, l’échauffement consistait à courir, à vitesse rapide, dans la grande cour. Après plusieurs tours, la fatigue risquait de se manifester… Mais la cour est plantée de gros platanes, alignés sur plusieurs rangées. Le professeur se tenant au coin du gymnase, ne surveillait que d’un œil les rotations de ses élèves lesquels restaient groupés. L’astuce consistait à s’arrêter exactement derrière un platane, le plus loin possible du professeur et, bien caché, d’attendre là que le groupe de coureur repasse à cet endroit ; l’élève au repos repartait alors comme une flèche, se glissant au milieu du groupe, tandis qu’un autre, derrière lui, prenait sa place. L’opération pouvait se dérouler simultanément sur les deux ou trois platanes du fond de la cour, loin du professeur. Avec ce roulement, et vu la durée des tours de cour, ce processus permettait aux garçons qui n’aimaient pas la course de prendre un moment de répit.

Le deuxième procédé, un peu semblable, se jouait dans le gymnase, durant les ʺ pompes ʺ, que les non-sportifs n’appréciaient pas car elles leur donnaient une impression d’épuisement. Le professeur dominait le plateau en donnant le ton « Un, deux ; un, deux… ». En même temps, il pouvait, par la fenêtre, regarder la cour. En le surveillant du coin de l’œil, certains élèves cessaient l’exercice lorsque le regard de l’enseignant se perdait vers l’extérieur, puis ils reprenaient l’épreuve dès qu’il tournait la tête vers la salle. La même méthode s’appliquait aussi lors des battements de jambes, en ciseau, au ras du sol, l’élève étant allongé sur le dos, avec interdiction de poser les jambes au sol ; les paresseux interrompaient l’exercice dès que le professeur portait sa vue vers l’extérieur du gymnase !

 

Les surveillants

Au niveau des personnels de surveillance (au dirait aujourd’hui ʺ de la Vie Scolaire ʺ) les ʺ pions ʺ (c’est ainsi qu’on nommait les surveillants) ne nous faisaient pas vraiment peur, hormis deux ou trois d’entre eux, dont un qui confondait probablement, lui aussi, internat et armée et se montrait particulièrement généreux pour distribuer punitions et retenues. Lorsqu’il surveillait un groupe, même dans les grandes classes, il n’était plus possible de dire un mot ; avec lui, le silence régnait y compris sur les rangs, en étude, au dortoir…
Un autre, tout à l’opposé, se différenciait par son âge et son attitude ; bien plus âgé que tous les surveillants, il n’avait absolument aucune autorité ; tout était possible avec lui en étude (parler, se lever, jeter des papiers, etc…).
Mais le surveillant général, bien au courant de la situation, pouvait venir épier l’étude, caché sur la galerie. Ce jour-là, malheur à ceux qui chahutaient…
Les ʺ surgés ʺ (surveillants généraux), au nombre de quatre, assuraient discipline et rigueur, en particulier en direction des pensionnaires. On les voyait du matin au soir ; certains effectuaient des tournées dans la cour, au réfectoire, au dortoir… contrôlant le déroulement de la journée, vérifiant que chaque élève n’enfreignait pas le règlement, distribuant si nécessaire des heures de retenue (on disait ʺ heures de colle ʺ). Pour les pensionnaires, être ʺ collé ʺ représentait une vraie punition puisqu’il s’agissait d’une privation de sortie pour le samedi-dimanche.

Proviseur et censeur

Dirigeant tout ce monde, le proviseur demeurait une personne cachée, donc mystérieuse ; on ne le voyait pratiquement jamais, si ce n’est, pour les meilleurs élèves, en fin de trimestre, au parloir, à la distribution officielle des récompenses obtenues (félicitations, encouragements).
Le censeur, sûrement chargé de l’organisation des cours, siégeait sur la galerie voisine du réfectoire, mais restait, lui aussi assez peu visible. On ne l’apercevait qu’occasionnellement, on n’avait jamais affaire à lui.

Les personnels de service et de santé

Dans le personnel de service, nous connaissions surtout les agents de cuisine (tous des hommes), qui nous servaient les repas et le goûter. Nous les trouvions bien gentils par rapport aux personnels de surveillance.

Côté santé, on ne voyait la doctoresse scolaire que deux fois par an ; elle assurait les visites médicales de contrôle, pour tous les élèves. Dans une étroite salle de la petite cour, nous voilà en culotte, pour être mesuré, pesé, ausculté… de façon à juger de l’état général de l’enfant ou de l’adolescent.
La deuxième visite chez ce docteur concernait la cuti-réaction, imposée à tous, la tuberculose n’étant pas éradiquée. La scarification, sur le bras, se pratiquait souvent avec une vraie plume d’écolier, identique à celles que nous utilisions à l’école primaire pour écrire à l’encre violette.

L’infirmière, installée au dernier étage, s’apparentait à une gentille mère de famille, ce qui rassurait le petit pensionnaire lorsqu’il devait monter à l’infirmerie.
Il s’y rendait la plupart du temps pour des petits maux mais pouvait aussi y dormir si son état n’autorisait pas une reprise immédiate des cours.
En première médication, il fallait boire un grand verre de tisane chaude, d’un goût agréable. La prise de quelques médicaments de base pouvait suivre, mais si le garçon présentait une maladie particulière (et à plus forte raison si celle-ci était contagieuse) la décision de retour dans la famille s’imposait ; l’infirmière contactait les parents, ou le correspondant, qui devaient venir chercher au plus vite le pensionnaire malade.

Billet autorisant l’interne à se rendre à l’infirmerie – 1964

Les pantalons troués

La lingerie, également perchée au-dessus des logements de fonction, s’occupait en premier lieu du trousseau des pensionnaires. Serviettes de table, de toilette et draps de lit, tous marqués au nom et numéro de l’élève, déposés à la lingerie ne pouvaient être récupérés qu’à la sortie de l’internat (en général fin terminale).
Entre temps, les lingères en assuraient le lavage et la distribution. Chaque lundi à midi, nous avions sur notre table, au réfectoire, nos serviettes (voilà pourquoi on ne pouvait changer de table en cours d’année). Au dortoir, toujours le lundi, nous trouvions les serviettes de toilette. Chacun prenait la sienne et la suspendait au bon endroit. De la même façon, nous changions les draps régulièrement.

Une autre mission des lingères résidait dans la réparation de vêtements (souvent les pantalons) déchirés par le pensionnaire, par exemple lors d’une malencontreuse chute sur le goudron de la cour, durant une récréation un peu trop animée ! Pour monter à la lingerie afin de faire recoudre son pantalon, il fallait être muni d’un billet laisser-passer dûment fourni par le surveillant de service.
La réparation se faisait sur le champ, l’élève attendant, en culotte, dans un coin ; et si, par malheur, le genou lui aussi avait souffert lors de la chute, l’infirmerie, juste à côté, pouvait accueillir le blessé… Restait ensuite, pour l’accidenté, à expliquer à sa mère, au cours du prochain dimanche qu’il passerait chez lui, comment s’était produite une telle catastrophe, l’affaire se compliquant s’il s’agissait d’un pantalon tout neuf (avant la chute…).

Localisation de la lingerie et de l’infirmerie dans les années 1960-68

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Chapitre 6 : L’enseignement, dans les année 1960

En 1960, à l’entrée en sixième, deux options d’enseignement se présentaient : section A, dite classique, avec latin, ou section M, dite moderne, sans latin ( exemples :  6éme M2   –   5ème A3 ). Une même classe pouvait regrouper des latinistes et des modernes ( exemple  5ème A4M1 ).
En quatrième, le A répertoriait les élèves à la fois latinistes et hellénistes tandis que le B correspondait à l’étude du latin seulement (exemple   4èmeB4M1 ).
En second cycle, la dénomination des divisions s’allongeait, devenant, par exemple,  2èmeA’C1M1, 1èreC2M2  ( avec une signification oubliée pour le A’ et le C ).
En terminale, les appellations se simplifiaient, avec trois sections offertes aux élèves : ME (Mathématiques Élémentaires, dite ʺ Mathélem ʺ), ou SE (Sciences Expérimentales, appelée ʺ Sciencex ʺ) ou encore Φ (Philosophie, nommée ʺ Philo ʺ).

Vue sur l’Orb, galerie, en 1965

À titre de comparaison avec les emplois du temps actuels nous avons dressé un tableau donnant les plages horaires des cours, durant les années-lycée d’un même élève, de 1960 à 1967, en section ʺ moderne ʺ, et avec une terminale en         ʺ Mathélem ʺ.
Rappelons que les heures de l’après-midi se nommaient habituellement 2, 3, 4 et non 14, 15, 16.

Les plages horaires des cours, par demi-journées

6ème

1960-61

5éme

1961-62

4ème

1962-63

3ème

1963-64

Seconde

 

1964-65

1ère

1965-66

Terminale

 

1966-

67

 

 

 

 

 

 

 

 

LUNDI               matin

8.30-11

 

09-12

09-12

08-12

8-11

08-11

08-12

LUNDI           après-midi

02-04

02-04

quinzaine

02-05

02-05

03-04

2-4.30

02-04

MARDI           matin

08-12

 

08-12

8.30-11

08-12

09-12

09-12

08-12

MARDI       après-midi

02-04

02-04

02 – 05.30

02-04

quinzaine

2-4.30

2-4.30

02.30-05

MERCREDI      matin

09-12

 

08-12

08-12

08-12

08-12

08-12

08-12

MERCREDI  après-midi

02-04

quinzaine

2-4.30

02-04

quinzaine

02-03

03-04

02-04

02-04 quinzaine

JEUDI            matin

 

 

 

 

 

08-12

09-12

08-12

JEUDI        après-midi

 

 

 

 

 

 

 

 

VENDREDI      matin

08-12

 

08-12

08-12

8.30-12

08-12

8-11.30

08-12

VENDREDI   après-midi

02-04

02-04

2-4.30

02-04

02-04

quinzaine

02-04

2-4.30

 

 

 

 

 

 

 

 

SAMEDI       matin

09-12

 

9-11.30

08-11

08-11

08-12

08-10

8-11.30

SAMEDI    après-midi

02-04

03-04

quinzaine

 

 

02-03

quinzaine

02-04

1 fois / 4

 

 

 

 

 

 

 

 

 

HORAIRE

hebdomadaire de cours

 

25h30

 

25h30

 

25h30

 

25h30

 

28h

 

28 h

 

31h30

 

On remarque l’absence de cours le jeudi, en premier cycle, alors que dès la seconde nous avions classe le jeudi matin.
Le samedi restait un jour comme les autres ; nous étions en classe le matin et souvent l’après-midi ; et si nous n’avions pas cours nous étions en salle d’étude, car les sorties des pensionnaires restaient fixées à 16 heures, pas avant.

À chaque heure nous devions changer de salle, ce qui occasionnait parfois de longs déplacements, vu le nombre de galeries du lycée et leur étendue.

Les méthodes d’enseignement des années soixante restaient basées sur le cours magistral, le professeur ayant peu de moyens autres que le tableau noir et les manuels scolaires avec leurs rares illustrations. En particulier, les ordinateurs n’existaient pas et la télévision qui, jusqu’à 1964, avait une seule chaine en noir et blanc, ne servait pas pour l’enseignement.

Toujours pour remarquer les différences avec le temps présent, nous avons établi un tableau des heures de cours hebdomadaires, par matière, durant la scolarité au lycée, du même élève, de la 6ème section M (Moderne) à la terminale ʺ Mathématiques Élémentaires ʺ, de 1960 à 1967.

Heures hebdomadaires de cours par disciplines

6ème

1960-61

5éme

1961-62

4ème

1962-63

3ème

1963-64

Seconde

 

1964-

65

1ère

1965-66

Terminale

Math-Élem

 

1966-67

 

 

 

 

 

 

 

 

FRANÇAIS

6

6

5

5,5

4

4

1 ,5

MATHÉMATIQUES

3

3

3

3

5

5

9

LV1 – ESPAGNOL

5

5

3

3

3

3

2

LV2-ANGLAIS

 

 

4

4

3

4

1,5

PHILOSOPHIE

 

 

 

 

 

 

3

HISTOIRE-GÉOGRAPHIE

2,5

2,5

2,5

3

3,5

4

3

INSTRUCTION CIVIQUE

0,5

0,5

0,5

0,5

0,5

0,5

0,5

SCIENCES NATURELLES

2,5

1,5

2

1,5

 

 

2

SCIENCES PHYSIQUES

 

 

 

 

3

3

4,5

CHIMIE

 

 

 

 

1,5

1,5

1,5

DESSIN

1

1

1

1

1

 

 

MUSIQUE

1

1

1

 

 

 

 

TRAVAIL MANUEL

1

1

0,5

1

 

 

 

EDUCATION PHYSIQUE

2

2

2

2

2

2

2

PLEIN AIR

1

1

1

1

1

0,5

1

AUTRE

 

1

 

 

0,5

0,5

 

 

 

 

 

 

 

 

 

HORAIRE

hebdomadaire de cours

 

25h30

 

25h30

 

25h30

 

25h30

 

28h

 

28 h

 

31h30

Voici quelques autres souvenirs, matière par matière :

* En français, la dictée, la grammaire et la récitation tenaient une bonne place jusqu’en quatrième. Mais le haut du pavé revenait aux études d’œuvres littéraires, depuis les fables de La Fontaine en sixième jusqu’aux tragédies classiques. Le programme comportait en effet l’étude de pièces de théâtre, en général une par trimestre ; il s’agissait ainsi de découvrir chaque année une œuvre de Corneille, une de Racine et une de Molière. Par exemple, en 4ème, “ Le Cid ” précédait “ Le Bourgeois Gentilhomme ” ; en 3ème, “ Iphigénie ” suivait “ Les femmes savantes ”, et “ Horace” occupait le dernier trimestre ; en seconde, nous faisions connaissance avec “ Cinna ”, “ Andromaque ” et “ Tartuffe ” ; etc…
Un électrophone permettait au professeur de français de nous faire écouter quelques extraits de ces œuvres, enregistrés sur disque 33 tours, mais cela une seule fois, lorsque l’étude de la pièce s’achevait ! En général, cette audition marquait une des dernières heures de cours du trimestre, avant les vacances de Noël ou de Pâques ; et cette heure représentait pour nous un réel évènement divertissant…

En mathématiques, les ʺ maths modernes ʺ n’avaient pas encore fait leur apparition. En terminale ʺ Mathélem ʺ on étudiait, entre autres, les nombres complexes, les coniques, la cinématique …Et nous utilisions une règle à calcul, un vrai bijou, ancêtre artisanal des ʺ calculettes ʺ d’aujourd’hui.

*Le latin et le grec avaient leurs places, auprès des élèves qui suivaient les sections dites ʺ classiques ʺ.

* En histoire, il arrivait que l’enseignant projette des images en noir et blanc, à l’aide de petits projecteurs pouvant recevoir des films fixes, ressemblant à des pellicules-photos et qu’on faisait avancer à la main.

* En géographie, ce même professeur utilisait tout simplement les grandes cartes murales, amovibles, qui rappelaient la carte de France de l’école primaire.

* La professeur de musique disposait d’un électrophone pour écouter quelques morceaux de musique classique au programme. Cependant, l’essentiel des cours concernait le solfège avec des dictées de notes, et l’histoire de la musique. Mais on ne chantait pas, en musique, matière enseignée en 6e, 5e, 4e.

* Tout comme la musique, le dessin (de la 6e à la 2e) constituait une matière à part entière, changeant en cela les habitudes de l’école primaire, où ces deux disciplines n’apparaissaient guère. Le professeur de dessin avait la réputation d’être gourmand en matériel.

* La salle de travail manuel se trouvait à l’annexe Lagarrigue. De la 6e à la 3e, on y réalisait minutieusement de petits objets en papier, en carton, en bois….

* Le dessin industriel fut introduit en classe de troisième, pour une section particulière.

* Pour les langues vivantes, le choix se portait majoritairement sur anglais ou espagnol ; mais l’allemand existait aussi. La première langue débutait en 6éme l’autre en 4éme. On travaillait plus sur l’écrit que sur l’oral. Et les textes étudiés s’approchaient plus des écrits littéraires que des conversations de tous les jours.

* Les enseignants de sciences étaient les seuls à baser assez souvent leurs cours sur du concret.

* En chimie, ils réalisaient des expériences devant la classe, sur la paillasse du professeur ; là se mélangeaient quelques produits supposés dangereux, créant des réactions parfois inattendues. Le plus gênant pour nous résidait dans l’utilisation occasionnelle de l’hydrogène sulfuré (le H2S), un gaz à forte odeur d’œuf pourri, ce qui, bien sûr, incommodait passablement l’ensemble de la classe. Et le professeur d’ajouter : « Ce gaz est fort utilisé dans les expériences de chimie ; il faut donc vous habituer à cette odeur ».

* En physique, l’enseignant présentait pareillement des expériences, devant la classe ; et les élèves devaient aussi réaliser des montages ou des mesures lors des heures de travaux dirigés (en physique et en chimie).

* En sciences naturelles, on nous montrait parfois des objets ou du matériel en liaison avec les leçons du programme. Par exemple, le lycée possédait un squelette humain, un vrai, ce qui paraissait troublant, presque effrayant pour certains élèves.
Les travaux pratiques de ʺ science nat ʺnous permettaient d’observer diverses plantes, mais aussi de disséquer quelques escargots, oursins ou moules.

* Quant aux sorties pédagogiques sur le terrain, elles étaient quasiment inexistantes. Un jeune professeur de sciences avait amené, en autobus, une fois, en 1961, ses classes de sixièmes dans la forêt voisine du Château de Ribaute, à quelques kilomètres de Béziers, pour étudier sur place la flore locale. Ce déplacement fut, pour les élèves concernés, la seule sortie éducative vécue au cours des sept années d’études au lycée !
Les voyages scolaires et les séjours linguistiques, n’existaient pas non plus.

Un autre évènement rarissime se produisit la même année mais les élèves n’eurent pas le loisir de l’observer : il s’agissait d’une éclipse de soleil presque totale, le mercredi 15 février 1961, au petit matin, durant la première heure de cours. Certains se souviennent de ce moment magique mais raté. On ne put sortir de la salle de classe pour observer le phénomène…

* Les cours d’Éducation Physique (on disait plutôt ʺ gymnastique ʺ) étaient appréciés par la plupart des élèves, sauf ceux qui n’aimaient pas le sport.
L’exercice de musculation le plus pénible restait tout de même la longue série de ʺ pompes ʺ. Même les garçons les plus robustes pouvaient s’y fatiguer !

* En plus des heures de ʺ gymnastique ʺ, l’emploi du temps comportait, presque chaque année deux heures par quinzaine de ʺ plein air ʺ, qui se déroulaient sous la responsabilité du professeur, non point dans la cour du lycée mais au grand air, à “ La Présidente ”, un vaste domaine municipal comprenant plusieurs terrains de sport, sur la route de Capestang à deux kilomètres du lycée. Et le trajet se faisait à pied, ce qui prenait demi-heure aller et demi-heure retour. Restait donc une heure pour faire du sport collectif, “ en plein air ”, à quelques pas de la malodorante usine d’engrais…

Carnet de correspondance d’un élève interne – 1963

Le lycée en 2023

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Chapitre 5 : Jeudis et dimanches en internat

Les distractions de l’élève pensionnaire restaient fort limitées, le lycéen étant là pour étudier. Aussi, les rares divertissements existants prenaient-ils de l’importance ; ils se situaient essentiellement le jeudi après-midi, apportant ainsi quelques assouplissements au régime strict de l’internat.
Certes, la matinée nous laissait déjà une heure entière de récréation, et des heures d’étude propices à la mise à jour des devoirs et aux révisions en vue des compositions. Mais à partir de la seconde, nous avions cours tout le jeudi matin.
Par contre, le jeudi après-midi, avec ses possibilités d’évasion, marquait plaisamment le milieu de la longue semaine d’internat.

Cinéma et cinéma éducatif

Pour les petites classes (jusqu’à la troisième) une sortie, en rang par deux, sous surveillance, nous permettait d’aller au cinéma Lynx. Cette petite salle, située au faubourg, avenue du Colonel d’Ornano, présentait des westerns et des films pour la jeunesse. Avec 1 franc ou 1 franc 10, nous voilà plongés dans un monde d’aventure et de dépaysement.
Les séances de cinéma de l’époque comportaient deux parties, séparées par un entracte destiné à la vente de friandises. Le film passait en deuxième partie, la première étant consacrée à des courts métrages éducatifs, des reportages et aussi à l’actualité nationale et internationale de la semaine précédente, une sorte d’ancêtre des journaux télévisés (les téléviseurs n’étaient présents que dans de très rares familles).

Les quelques pensionnaires qui ne souhaitaient pas passer l’après-midi au cinéma se rendaient, toujours sous bonne escorte, à la Présidente, un complexe sportif situé à plus de deux kilomètres, pour jouer au ballon ou marcher librement, tout en respirant le bon air, une usine d’engrais siégeant à proximité… Et puis, ils pouvaient, en bordure des nombreux terrains de sport, voir passer les trains sur la ligne Béziers-Narbonne…
À partir de la seconde, l’autorisation donnée aux internes de sortir seul en ville les jeudis après-midi mettait fin, pour eux, aux séances de cinéma du Lynx et à la promenade à la Présidente.

Le jeudi (ou parfois le mercredi) en fin de journée nous avions droit au ʺ cinéma éducatif ʺ. Dans la salle de La Vigilante, on nous projetait des petits films documentaires nous faisant découvrir la nature, le monde… Cela nous plaisait bien mais la rigueur de l’internat sévissait là aussi : le machiniste n’était autre qu’un personnel du lycée. Il n’admettait aucun bruit durant la séance, aucun bavardage entre élèves voisins. Difficile à tenir lorsque l’intérêt du film se prête à des commentaires ! Mais le projectionniste avait trouvé une méthode infaillible qui, en principe, devait maintenir le silence durant la projection. Voici comment :
La séance finissait toujours par un court métrage comique (Laurel et Hardy, ou Charlot), ou par un dessin animé amusant (genre Mickey).
Au premier chuchotement de l’assistance, il annonçait au micro :

  • « Veuillez vous taire et suivre le film». Au deuxième :
  • « Taisez-vous sinon vous n’aurez pas Laurel et Hardy tout à l’heure ».

Et si le bruit reprenait :

  • « Il y a trop de bruit ; vous serez privés du film comique».

C’est ainsi que, parfois, nous ne pouvions, à regret, apprécier les bêtises de Charlot, Mickey ou Laurel-Hardy… avant de monter au réfectoire pour le souper.

Le réfectoire en 1965, au premier étage (par rapport à la grande cour).

Fêter Noël à l’internat

La salle de La Vigilante proposait aussi aux pensionnaires une séance de cinéma particulière et qui n’arrivait qu’une fois l’an : la  soirée de Noël ʺ ; elle se déroulait souvent un vendredi en fin de journée, juste avant les vacances de décembre ; on nous projetait un vrai film long métrage plutôt amusant (par exemple   ʺ L’auberge rouge ʺ, avec Fernandel). Après ce film, nous montions au réfectoire pour un repas ʺ amélioré ʺ, un repas ʺ de Noël ʺ, au cours duquel, certaines années, nous pouvions nous permettre, durant un bref instant, de crier et taper avec les couverts sur la table, sans qu’il pleuve des heures de colle ! Cet évènement, en soi, nous semblait aussi important que le film que nous venions de voir ! On a aussi en mémoire la prestation d’un interne qui avait chanté ʺTous les garçons et les fillesʺ de Françoise Hardy.

L'éducation religieuse

Le lycée disposait d’une aumônerie, qui se traduisait par le fait que des prêtres pouvaient assurer des cours d’éducation religieuse pour les élèves de confession catholique, si la famille l’acceptait. Nous avions donc un abbé qui nous prenait en salle de classe ou parfois au parloir, une heure par semaine, pour conversations et débats sur des thèmes divers, avec souvent projection de films fixes. Monsieur l’Abbé menait les discussions avec gentillesse et ouverture d’esprit et, surtout, sans aucune discipline stricte, sans le moindre risque de punition, contrairement à ce que faisaient les surveillants. Autrement dit, les élèves appréciaient grandement ces interventions qui fournissaient à chacun un moment de liberté au sein d’un internat rigide. Et personne ne chahutait !

Dans ces conditions, nous nous retrouvions fort nombreux aux cours de l’abbé, qui attiraient aussi bien les catholiques pratiquants que les incroyants.
Certaines de ces séances se tenaient à La Vigilante, qui permettait de meilleures projections. Mais pour s’y rendre, il faut sortir du lycée et descendre la rue du Collège. Avec les surveillants, un tel déplacement s’effectuait en rang par deux et dans le calme. Mais avec Monsieur l’Abbé, point de contrainte. Nous dévalions la rue à la course en nous arrêtant à l’angle de la rue Tourventouse où une petite boulangerie nous vendait des gâteaux peu chers mais volumineux. Et nous entrions à La Vigilante, sous l’œil complice de l’abbé, pour déguster les grosses ʺ pêches ʺ à la crème, tout en écoutant les bonnes paroles de l’aumônier.

Billet autorisant un pensionnaire à se rendre à la loge, pour téléphoner 1967

Les dimanches en pension

Bon nombre de pensionnaires sortaient du lycée le samedi à 4 heures, et rentraient le lundi avant 8 heures (ou le dimanche soir pour certains). Mais d’autres restaient dans l’établissement tout le week-end. Il fallait donc s’habituer à passer des fins de semaine au lycée.

La vie du pensionnaire, entre le samedi soir et le lundi matin, devenait quand même plus agréable qu’en semaine, le petit nombre de présents permettant un certain relâchement de la discipline.

Dès 17 heures, le samedi, les règles s’adoucissaient. En voici un exemple : au parloir se trouvait le seul téléviseur de l’établissement, et il ne servait pratiquement jamais ! Mais les internes présents le samedi soir pouvaient parfois s’y rendre pour regarder (en noir et blanc) les matches de rugby du tournoi des cinq nations, commentés par Roger Couderc.
C’est au cours de ces années-là que l’équipe de Béziers (de l’ASB) entrait dans l’histoire du rugby ; le lycée Henri IV, qui fût une pépinière de joueurs, y contribua modestement.

L’étude de fin d’après-midi existait le samedi ; elle se déroulait dans une autre salle, par regroupement des présents. Au réfectoire, pas de menu dominical particulier, mais, de même, un changement de place vu le petit nombre de présents.
Ces modifications apparaissaient aussi au dortoir. Les surveillants rassemblaient les élèves de dortoirs voisins dans un seul, tous restant ouverts en soirée et le matin au lever, afin de laisser à chacun l’accès à son armoire.
Si par chance notre dortoir était choisi, rien ne changeait pour nous. Par contre si on nous envoyait dans le dortoir voisin, nous devions déménager nos draps et couvertures, choisir un lit inoccupé, en enlever les linges de lit pour les remplacer par les nôtres. Et bien sûr, le lundi matin, l’opération inverse s’imposait.

Le dimanche matin, un évènement bien particulier se préparait dès 8 heures : le départ vers l’église des Pénitents pour la messe dominicale. On se rangeait par deux, puis le surveillant général passait en revue cette colonne de « pensionnaires croyants » pour inspecter leur tenue générale ainsi que la brillance de leurs chaussures. Après cette ʺ validation militaire ʺ, la colonne était autorisée à partir pour l’église des Pénitents.
C’est en grand nombre que les internes présents se portaient volontaires, y compris ceux qui n’allaient jamais à la messe chez eux. Pourquoi ? Tout simplement en raison de la présence, au même office, des internes du lycée de jeunes filles ! Dans la petite église, les filles se tenaient sur la partie gauche et les garçons sur la droite, mais la proximité des deux groupes permettait aux uns et aux autres de se voir de près, si bien que nombreux étaient ceux et celles qui, durant la célébration, regardaient plutôt sur le côté que vers le chœur. À la fin de la messe, les surveillants (et les surveillantes du lycée de filles) activaient la sortie de part et d’autre, afin que ne se produise aucune rencontre inopinée entre lycéens et lycéennes.

Toujours le dimanche, le pensionnaire pouvait sortir si son correspondant biterrois venait le chercher. L’élève bénéficiait ainsi d’un entracte dans sa vie d’interne, sous forme, la plupart du temps, d’un dimanche en famille.
Le retour au lycée, en fin de journée, n’était pas le meilleur moment, mais, le fait d’avoir retrouvé un contexte familial faisait oublier la rigueur habituelle de l’internat.
Ceux qui n’avaient pas la chance, le dimanche, de sortir du lycée avec leur correspondant, bénéficiaient, l’après-midi, d’une promenade qui, parfois, les amenait au stade de Sauclières, voir un match de rugby.

Les internes les plus âgés jouent au volley-ball.
Récréation de l’après-midi, en grande cour  –  1965 

Des sorties culturelles

Dans les grandes classes, une nouveauté apparut, pour les pensionnaires intéressés : assister à des séances du Ciné-Club ou des JMF, en soirée, moyennant le prix d’entrée. Ce Ciné-Club, au cinéma Palace, avenue Saint-Saëns, présentait des films classiques ; les JMF (Jeunesses Musicales ce France) proposaient, au théâtre municipal, des spectacles alliant musique et théâtre. Les volontaires s’y rendait, après le repas du soir, avec un surveillant ; au retour, nous entrions au dortoir à pas feutrés, pour ne pas réveiller nos camarades.
Dans un autre domaine, on nous proposa, en seconde de suivre une série de cours de secourisme, donnés, une fois par semaine, par la protection civile. Ils se déroulaient au gymnase, après le repas du soir, durant plusieurs mois. À la fin de cet apprentissage, un examen permit à plusieurs internes d’obtenir le diplôme de ʺ secouristeʺ.

Les copains

Dès l’entrée en sixième, à onze ans, la vie en internat se substituait, en quelque sorte, à la vie de famille, reléguée aux seules périodes de vacances. Aussi, la camaraderie au sein du pensionnat compensait-elle quelque peu l’absence des parents et de la fratrie. Chacun avait ses copains, que l’on appelait par le nom de famille, rarement par le prénom. Au fil des mois et des années, ces camarades de classe devenaient de vrais amis, pour la vie.

Mais, comme partout, l’inverse existait à l’internat. Les garçons timides ou candides risquaient, dans ce monde clos de la pension, d’être ennuyés par les dissipés ou les agressifs. Le harcèlement, en paroles ou en actes, se produisait parfois dans les cours de récréation, loin du regard des surveillants.

D’autre part, tout comme certains adultes de la communauté, quelques enfants (souvent les faibles et les meneurs) portaient un surnom, plus ou moins moqueur ou flatteur, selon le cas. Ce sobriquet, donné par on ne sait qui, pouvait perdurer des années, surtout dans les petites classes.

Escalier donnant dans la grande cour  – 1965

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Chapitre 4 : Les salles d’étude – Les dortoirs

Les blouses grises

Dans ce lycée d’antan, où se côtoyaient pensionnaires, demi-pensionnaires et externes, à quoi reconnaissait-on un interne ?
Tout simplement à sa blouse, car la tenue du pensionnaire de 1960 (et jusqu’en 68) imposait le port de ce vêtement ; une blouse délavée, au tissu froissé, de couleur gris foncé, de longueur imposante, une blouse qui, au fil des semaines, pouvait ressembler plus à un chiffon qu’à un vêtement. Et l’hiver, la blouse dépassait sous la veste ou le manteau ; cela n’était guère élégant !
Les demi-pensionnaires et les externes n’en portaient pas, ce qui singularisait les pensionnaires…

Le goûter

Revenons sur le goûter du pensionnaire, pour remarquer qu’il est assez succinct. Les repas sont très corrects mais à 4 heures, l’interne aimerait bien un peu plus de friandises…
La distribution, en grande cour sous la galerie, génère une longue file d’internes qui avancent progressivement jusqu’à l’agent de cuisine, pour recevoir deux barres de chocolat (du chocolat noir, d’épaisseur bien faible) ou parfois une pâte de coing, un ʺ malakoff ʺ, ou de la gelée de raisin en dosettes. Par contre, dans la corbeille voisine les tranches de pain sont à volonté.

Durant les premières semaines d’internat le pensionnaire de sixième se contentait de cette ration. Pour l’améliorer, la première idée venue consistait à passer deux fois au service de distribution de ce petit chocolat, avec cinq ou dix minutes d’intervalle. Mais l’agent de cuisine avait bon œil :
« Mais tu ne serais pas déjà passé une fois, toi ? »
« Heu… non ; c’était hier »
« Je n’en suis pas si sûr… » et il donnait quand même (parfois) une deuxième ration.
Il fallait donc procéder différemment pour bonifier son goûter. La solution : ramener de la maison quelques friandises (non périssables), et les garder dans le casier d’étude. Mais les garder bien cachées, derrière les livres, car, de temps à autre, le surveillant général procédait à des fouilles ; et malheur à celui qui détiendrait la moindre nourriture. Lors d’un tel contrôle, il arriva un jour que le ʺ surgé ʺ [1] découvrit dans un casier une réserve de saucisse sèche… Le malheureux détenteur ne partit pas chez lui le samedi suivant… et la saucisse (bien que très appétissante) fut détruite sur le champ !

[1] surgé : surnom du surveillant général

L’étude

Billet d’entrée en étude – 1962

L’étude de fin de journée suivait la récréation du goûter. La discipline y demeurait sévère, tout bavardage avec un voisin restant strictement défendu. Il n’était donc pas question de travailler à deux sur un sujet donné, ne serait-ce que pour un court instant ; on ne devait pas se lever. Cependant, pour chaque leçon, exercice ou devoir, il fallait bien disposer des cahiers et livres de la matière ; mais ils se trouvaient dans le casier au fond de la salle. On devait lever le doigt et demander au surveillant l’autorisation de se rendre au casier. Il acceptait, certes, mais seulement s’il n’y avait pas déjà un autre élève se déplaçant pour la même raison ! On devait donc parfois patienter.
Certains surveillants, pour alléger le procédé, nous autorisaient à nous lever sans avoir à demander l’autorisation, mais toujours à condition qu’il y ait un seul garçon debout.

D’autres surveillants, très peu nombreux, acceptaient d’apporter, à un élève demandeur, non point une aide aux devoirs, mais plutôt une explication pour la compréhension d’une question par exemple ; ce soutien restait fort limité, presque exceptionnel, car si le surveillant parlait à un enfant, cela risquait de distraire les autres, et le silence de la salle serait rompu. En fait chacun devait travailler seul !
Dans les préparatifs pour le lendemain, une tâche revenait chaque soir : remplir d’encre le stylo plume. On n’utilisait les stylos à bille que pour le rouge, ou en cas de défaillance du stylo à plume. Chaque élève possédait une petite bouteille d’encre Watterman ; avant la fin de l’étude, il remplissait son stylo. Cette opération, bien que très simple, pouvait s’avérer délicate, car il ne s’agissait pas de tomber quelques gouttes d’encre sur le bureau ou, pire, de renverser le flacon.

Des dortoirs bien loin du lycée

Si les deux premières années, sixième et cinquième, présentaient une certaine ressemblance pour le pensionnaire, l’arrivée en quatrième provoquait plusieurs changements à l’internat.
Les récréations se déroulaient désormais dans la cour principale, la cour des grands. Fini, la bruyante petite cour en contrebas !
Nous avions toujours des cours le samedi mais le jeudi restait libre.

Cependant, la nouveauté la plus remarquable, en quatrième, concernait le dortoir. Les quatrièmes et troisièmes ne dormaient pas au lycée mais dans trois dortoirs annexes, situés à huit cents mètres, à l’ancienne caserne Saint Jacques, avenue de la Marne. Ces dortoirs présentaient le même état d’ancienneté que ceux du lycée, et le déplacement se faisait à pied, matin et soir.
Nous nous rangions sous la galerie attenante aux cuisines, sortions par la porte de service et partions pour dix minutes à un quart d‘heure de marche, dont le seul avantage pouvait être que nous traversions la ville, en passant vers les halles, la mairie, la place Garibaldi et l’avenue de la Marne, pour atteindre les dortoirs, perchés au dernier étage de bâtiments bien vieux. Ces déplacements quotidiens nous donnaient un sentiment de liberté ; nous n’étions pas enfermés dans les murs du lycée la semaine durant.

Mais le problème pouvait venir du ciel. Si une bonne veste, passée par-dessus la blouse grise, atténuait quelque peu la froidure d’hiver, il n’en était pas de même les jours de pluie. Sans protection vestimentaire efficace, et sans parapluie, la troupe des internes subissait de plein fouet les averses d’automne ou les pluies de printemps, qui trempaient nos vestes et blouses.
Certains ont en mémoire un soir particulier (de fin 62) où un violent orage s’abattit soudainement sur nous à partir de la place de la mairie. Impossible d’abriter une centaine d’élèves sous quelques rares portes cochères ; la seule solution fut de partir à la course, sous l’œil angoissé des surveillants qui n’avaient jamais connu pareille débâcle et qui craignirent de perdre quelques garçons. Malgré ce, sous des trombes d’eau, toute la troupe arriva à Saint-Jacques, mais trempée jusqu’aux os. Les dortoirs se transformèrent en séchoirs à linge, chacun ayant étendu tous ses vêtements sur les barreaux de son lit, les montants de son armoire, ou sur les lavabos, en espérant qu’ils seraient bien secs le matin venu.
L’année suivante (en septembre 1963) la municipalité de Béziers mit à disposition du lycée deux cars de ville qui, à 20 heures, nous attendaient Boulevard d’Angleterre (nous sortions par le portail des externes) pour nous amener à Saint-Jacques ; et le matin, le voyage inverse nous rapatriait à Henri IV avant 7h 15.
Ces trajets en autobus mirent fin aux douches gratuites sur le parcours !

À partir de la seconde, nous retrouvions les dortoirs au lycée. Et l’accès au deuxième cycle s’accompagnait aussi, de quelques innovations appréciées par le pensionnaire :

  • Tout d’abord celle qui ravissait de nombreux élèves, mais ne les concernait pas tous : l’autorisation de fumer dans un recoin de la cour.
  • Plus intéressant, le droit de sortir seul du lycée le jeudi après-midi, pour se rendre, par exemple, en ville. Ainsi, les groupes de copains allaient flâner sur les allées Paul Riquet, en essayant d’attirer l’attention de quelques jeunes filles passant par-là !

Des dortoirs transformés en étude

Pour ce qui est du travail scolaire, le passage en seconde apportait deux nouveautés permettant de travailler après le repas du soir : soit en étude, soit au dortoir :

  • En premier lieu, nous disposions d’une heure d’étude en soirée, de 8 heures à 9 heures, avant la montée au dortoir ; tout interne appréciait ce supplément horaire, le volume de travail personnel étant bien plus conséquent que dans les petites classes.
  • Cependant, nous étions nombreux à vouloir encore plus d’heures pour étudier, en particulier en période de composition, où les révisions prenaient beaucoup de temps. La seule plage horaire encore disponible se situait au dortoir, vers 9h 30, après l’extinction des feux. Trois possibilités s’offraient à ceux qui souhaitaient, en soirée, continuer leurs révisions :

    -1- Glisser sous les couvertures en tenant d’une main le livre, de l’autre une petite lampe électrique torche, en faisant en sorte que la lumière ne soit pas visible de l’extérieur de la cachette.

Mais la méthode obligeait à sortir souvent la tête de ce tunnel de couvertures, pour respirer profondément, en prenant soin d’éteindre la pile à ce moment-là, pour ne pas se faire réprimander par le surveillant.
En fait, ce procédé s’utilisait surtout en 4ème et 3ème où, en l’absence d’étude du soir, l’heure du coucher pouvait paraître prématurée pour l’adolescent ; d’où l’intérêt, porté par certains, pour la lecture, en soirée, des livres de bibliothèque.

-2- Deuxième possibilité : à partir de la seconde, dès que l’éclairage du dortoir s’éteignait, se rendre, avec son cahier ou livre, dans l’unique WC du dortoir, une petite pièce fort étroite mais d’une bonne longueur, ce qui permettait aux élèves venus y travailler de s’asseoir par terre sur deux alignements, adossés au mur, face à face.

Mais ce procédé présentait deux inconvénients majeurs :
*      La faible ampoule électrique destinée à éclairer parcimonieusement le cabinet n’arrivait pas à nous fournir suffisamment de luminosité pour que chacun lise sans fatiguer ses yeux.
*      La salle restait un WC avec les odeurs qui pouvaient s’y complaire ; et l’utilisation de ce lieu en mini-salle d’étude annulait la possibilité de se servir des toilettes … enfin… en principe !
Mais il fallait bien poursuivre les révisions, pour la composition du lendemain !

-3- La troisième solution, la meilleure, se pratiquait surtout aux dortoirs 1 et 2 , chez les élèves les plus âgés (1ère et terminale) : ces deux chambrées disposaient chacune d’une salle dite “vestiaire”, où s’alignaient les armoires en bois des pensionnaires, des penderies assez larges et sans portes.
Au moment où le surveillant éteignait les lumières du dortoir, les élèves qui désiraient continuer leur travail scolaire se dirigeaient tous vers cette pièce, bien plus vaste et commode que le WC. Chacun s’installait dans son propre casier, assis sur le rebord inférieur, entre les chaussures et le sac de linge sale. Et voilà une pièce de rangement ressemblant à une salle d’étude ; mais on n’y rédigeait pas les devoirs, car écrire dans ces conditions nocturnes n’aurait pas été facile ; on y étudiait sur cahier ou sur livre.
Un inconvénient subsistait : certains, moins portés sur le travail scolaire intense, venaient dans ce vestiaire pour chahuter, gênant ceux qui voulaient étudier, et risquant d’alerter le surveillant qui, alors, envoyait tout le monde se coucher…

Photos de dortoirs d’époque, dans d’autres internats semblables à ceux d’Henri IV ( photos – internet )

L’aile centrale du lycée, vue depuis le dortoir 2, en 1965

On remarque l’absence de galeries sur les derniers étages, réservés aux dortoirs 3, 4 et 5.

 

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Chapitre 3 : La journée-type d’un pensionnaire de 6éme, en 1960

Nous sommes en 1960 ; suivons un élève interne de sixième qui entame ses études au lycée. L’adaptation à l’internat n’est pas forcément évidente ; fini la liberté connue précédemment ; désormais, en pension, la discipline n’a rien de familial ; on est là pour étudier… et pour obéir !
Pour certains, les premiers jours s’avèrent un peu délicats, mais il faut bien s’adapter, s’habituer aux nouvelles règles de vie et de travail.
Voici donc, schématiquement, le déroulement d’une journée type, pour un pensionnaire de sixième, au cours de l’année scolaire 1960-61.

6 h 15 , dortoir 6 : Le surveillant s’éveille et se prépare ; dans l’alignement des lits, les enfants dorment encore.
6 h 30 : La première sonnerie de la journée retentit dans les escaliers et dans les cours ; le surveillant allume les lumières, frappe dans ses mains, demande aux élèves de se lever. Plusieurs sautent du lit prestement ; d’autres semblent refuser l’injonction du maître et se contentent d’ouvrir un œil. Le surveillant parcourt le dortoir et, à travers les couvertures, pince (modérément ! ) le pied des retardataires.
6 h 45 : La salle d’eau est encombrée ; plusieurs garçons, trousse de toilette et serviette en main, attendent une place sur la longue “ auge ” faisant office de lavabo commun. Le WC lui aussi connaît son affluence matinale.
7 h 00 : Près de son lit, chacun enfile ses vêtements, range dans son armoire pyjama et affaires de toilette, puis revêt la blouse grise des internes.
7 h 05 : Le surveillant demande d’activer la manœuvre. « Dans cinq minutes, nous descendons ; préparez-vous ». Chacun prend sa veste, et la passe par-dessus la blouse. Il ne faut rien oublier ; les dortoirs seront fermés tout au long de la journée.
Certains fouillent le fond de leur armoire métallique pour en sortir secrètement quelques grains de sucre et les placer bien vite dans leur poche.
7 h 10 : La sonnerie retentit ; en rang par deux nous quittons le dortoir direction le petit déjeuner, deux étages plus bas.
7 h 15 : Au réfectoire, la salle s’est emplie ; chacun a pris sa place. Le petit déjeuner est apprécié ; toutefois certains trouvent la quantité de sucre fournie insuffisante. Ils ajoutent discrètement quelques grains pris dans leur réserve secrète, cachée au fin-fond de leur armoire du dortoir. Mais il ne faut pas être vu ; un pensionnaire n’est pas autorisé à posséder la moindre nourriture.
7 h 35 : Le petit déjeuner va toucher à sa fin ; les agents de cuisine repassent encore avec lait et café.
7 h 40 : Nous rejoignons notre salle d’étude pour préparer le cartable de la matinée. Il s’agit, là aussi, de ne rien oublier ; les salles d’étude servent de salles de classe dès 8 heures et les casiers deviennent alors inaccessibles.
7 h 50 : Nous sommes de retour dans la cour. Le portail des externes et des demi-pensionnaires ouvre ; un flot d’élèves envahit les cours, s’ajoutant aux internes déjà présents.
7 h 55 : La sonnerie retentit ; des vagues de garçons s’orientent vers les cages d’escaliers qui, bien encombrées, retentissent des conversations matinales de centaines d’élèves. Les surveillants contrôlent tous ces déplacements.
8 h 00 : Sur la galerie, le professeur fait entrer le groupe. Chacun rejoint sa place. En principe, on ne change pas de place en cours d’année, d’où l’importance du premier cours de chaque matière, à la rentrée de septembre. Ce jour-là, ceux qui souhaitaient se trouver plutôt à l’avant, s’arrangeaient pour entrer les premiers.

Une galerie en 1965

8 h 55 : La sonnerie marque la fin du premier cours ; le professeur congédie le groupe qui s’échappe pour se diriger vers la salle de cours de deuxième heure. Les galeries et les sombres escaliers supportent à nouveau des flots de garçons pressant le pas dans les deux sens de circulation, ce qui annule parfois toute fluidité. Il faut préciser que le lycée étant vaste avec des salles réparties sur trois ailes et trois niveaux, certains groupes ont à parcourir une bonne distance pour rejoindre le cours suivant. Et, de plus, certains enseignants n’acceptent pas le retard…
9 h : Nous voilà en place pour la deuxième matière du matin ; elle nous occupera jusqu’à la récréation.
10 h : C’est la pause ; les deux cours s’animent ; les toilettes connaissent une certaine affluence, fâcheuse car le temps est compté.
10 h 10 : Nous rejoignons la salle de cours. Le travail scolaire reprend.
11 h : Nouveau changement de salle.
Midi : Les internes rejoignent rapidement leur salle d’étude pour déposer leur cartable au casier, puis ils se dirigent vers le rang réservé au réfectoire.
Tous les pensionnaires s’y retrouvent, rangés par niveau. Les “ demi[1] attendront 1 heure[2]  pour passer à table ; quant aux externes, ils ont quitté le lycée et reviendront avant 2 heures.
Nous entrons au réfectoire ; chacun rejoint sa table et sa place. Le service commence aussitôt.
Midi 45 : Le repas est terminé, le surveillant passe d’une table à l’autre, vérifie si tout est bien rangé et ordonne, d’un signe de la main, l’évacuation de la tablée.
Nous voilà libres pour une bonne heure. Les sixièmes et cinquièmes se rendent dans la petite cour et profitent de cette longue récréation pour bouger, crier, jouer avec les camarades.

1 h 45 : Nous montons en étude pour préparer le cartable de l’après-midi. On dépose les cahiers et livres utilisés le matin et on les remplace par ceux concernant l’après-midi en faisant en sorte de ne rien oublier (par exemple le cahier de textes ou le carnet de correspondance…). Nous descendons dans la cour.
1 h 55 : Les “ demi ” sont sortis du réfectoire ; les externes entrent dans la cour ; la sonnerie annonce le début de l’après-midi.
Celle-ci va se dérouler, comme en matinée, avec deux cours successifs : 2 h à 3h ; 3 h à 4 h et parfois un troisième : 4 h à 5 h (pour les grandes classes).
4 h : La journée est terminée pour les sixièmes, tout au moins en ce qui concerne les cours ; nous montons en étude pour mettre le cartable au casier.
Puis chacun rejoint bien vite la grande cour, où, sous la galerie près des cuisines, un agent de service sert le goûter.
Après cette distribution, le petit pensionnaire descend en petite cour, celle des sixièmes et cinquièmes. C’est le moment de courir et de se dépenser ; seule interdiction : ne pas se chamailler ou se battre.
Certains, par contre, préfèrent parfois s’installer dans un recoin abrité et lire des contes, légendes ou livres d’aventures, empruntés à la bibliothèque.

[1] Le terme “ demi ” désigne les demi-pensionnaires
[2] En 1960, pour les horaires de l’après-midi, on utilisait 1h, 2h … 8h, 9h … et jamais 13h 14h … 20h, 21h…

La petite cour en 1965

5 h : La sonnerie clôt la récréation de l’après-midi et invite tous les pensionnaires à rejoindre leur salle d’étude. Durant deux heures, ils vont apprendre leurs leçons pour le lendemain, rédiger leurs devoirs, faire les exercices…, lire ou s’occuper en silence. Chaque matière est concernée ; le cahier de textes est le seul guide. Le silence règne en étude.
7 h 10 : L’étude est terminée ; la sonnerie nous appelle pour le repas du soir.
7 h 15 : En descendant vers le réfectoire, nous pouvons enfin parler entre nous. On nous sert la soupe, le plat de viande et légumes, le dessert.
Après deux heures de silence studieux, le réfectoire s’emplit de conversations joyeuses et bruyantes. Mais si les surveillants estiment que le bruit est trop fort, ils imposent le silence absolu, durant une partie du repas ; on n’entend plus alors que le bruit des fourchettes…
7 h 45 : Sortie du réfectoire ; nous voilà dans la cour. Au printemps, au grand jour ou au soleil couchant, cet agréable moment de liberté est apprécié. Mais en plein hiver, par temps froid, dans l’obscurité profonde de la grande cour, il ne fait pas bon se promener sous les platanes. Et si de plus la bise glacée souffle, s’engouffrant dans cette cour largement ouverte à l’ouest, on ne peut alors que se réfugier sous les galeries ou dans une cage d’escalier ; la récréation du soir devient une épreuve qui ne se terminera qu’avec la sonnerie de huit heures, appelant les élèves pour monter au dortoir. Et la même situation se reproduit les jours de pluie !

8 h : En rang nous quittons la cour pour monter vers le dortoir 6. En hiver, les gros radiateurs en fonte répandent une certaine chaleur ; malgré ce, au lever le matin, c’est souvent la fraîcheur qui domine. En juin, par contre, la chaleur est parfois insupportable même avec les fenêtres ouvertes.
8 h 10 : Dès l’entrée au dortoir, il convient de se positionner au pied de son lit, debout et de respecter un silence absolu. Le surveillant vérifie l’alignement des enfants : deux rangées parfaitement droites, face à face. On pourrait presque se croire à l’armée ! Puis il fait l’appel, égrenant un à un les noms des élèves (mais jamais les prénoms). Après quoi chacun se prépare pour le coucher, sans courir (c’est interdit). Nous avons le droit de parler, mais pas très fort.
Presque chaque soir, le surveillant général lui-même passe pour inspecter les lieux et rappeler à tous que, à tout moment de la journée, il peut être là, pour représenter l’autorité et prendre des sanctions si nécessaire.
Chacun enfile son pyjama, passe par les lavabos (la fameuse “ auge ”) fait la queue devant les toilettes, enfin se glisse dans son lit, dont la broderie du couvre-lit rappelle clairement que l’on est au lycée Henri IV !
8 h 40 : Le surveillant effectue le tour du dortoir ; tous les enfants sont couchés : extinction des feux ! La journée a été chargée ; demain sera un nouveau jour. Le petit sixième s’endort en pensant à sa famille, son village…

Vers minuit : Le dortoir est fermé à clef, sans doute pour éviter toute fuite, mais le surveillant a une clef. Au milieu de la nuit, il est fréquent d’entendre le bruit d’une autre clef dans la serrure d’entrée. Ce n’est point un fantôme, mais le veilleur de nuit. Ce petit homme, boiteux, portant d’une main son trousseau de clefs et de l’autre un projecteur, éclaire tous les lits comme pour vérifier que chaque élève dort paisiblement, puis il repart vers le dortoir voisin.
Les internes sont surveillés jour et nuit !

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Chapitre 2 : Le lycée, tel qu’il était dans les années 1960-67

Avant de retracer la vie des internes d’autrefois, visitons le Lycée Henri IV, tel qu’il était dans les années soixante.

Première caractéristique, et non des moindres, il s’agissait d’un lycée de GARÇONS. Pas une seule élève fille. Le corps professoral, les personnels de direction, les agents de service… étaient pratiquement tous des hommes.
La même règle s’appliquait au Lycée de Jeunes Filles, place Suchon (devenue plus tard Place Général de Gaulle) : uniquement des filles, avec des dames à l’encadrement.
Créé sous Henri IV, d’où son nom, ce lycée de garçons fut reconstruit au tout début du vingtième siècle. En 1960, les bâtiments approchaient donc de la soixantaine.

Perché en haut de la colline biterroise, le lycée domine la plaine de ses ailes majestueuses comptant trois ou quatre niveaux chacune.
Un bâtiment plus récent, dit (à l’époque) “ bâtiment neuf ” prolonge l’aile nord. Bâti à la fin des années cinquante, il a la surprenante particularité de ne pas être en accord architectural avec les grandes ailes du début du vingtième.

Dans les bâtiments d’origine, point de couloir ; à chaque étage, des galeries extérieures, assurent les déplacements, au grand air. L’orientation est-ouest de ces chemins hors murs, garantit une exposition remarquable aux vents dominants. Ainsi, marcher sur une galerie, face au vent, un jour de fort “cers[1] ”, par un froid matin d’hiver, peut s’apparenter à une prouesse pour un petit sixième haut comme trois pommes !

[1] Cers : le vent d’ouest, dans le biterrois.

Les trois cours

L’établissement présente deux cours de récréation, elles aussi en plein cers.
La grande cour arbore de majestueux platanes qui font toute sa richesse. En demi-saison ou en été, verdure et ombre agrémentent ce lieu. Lors des récréations, cette cour était réservée aux classes de la quatrième à la terminale. Les sixièmes et cinquièmes n’avaient pas le droit de s’y rendre.

Une spécificité, qui aujourd’hui peut nous paraître insolite, existait dans cette cour : le coin des fumeurs. Situé côté nord, dans l’angle de l’escalier d’honneur, il s’étendait sur quelques dizaines de mètres, sous la galerie, le long du petit gymnase.
Tout lycéen de second cycle (de la seconde à la terminale) pouvait s’y rendre lors des temps libres pour fumer une (ou plusieurs) cigarettes. Les surveillants y passaient, surtout pour dénicher l’éventuel “ petit ” (troisième ou plus jeune) qui aurait osé s’y introduire ; si cet élève ne fumait pas, on le sermonnait et le chassait vers le reste de la cour ; s’il fumait, il récoltait une punition. De nuit (par exemple pendant la récréation de 20 heures, avant la montée aux dortoirs), ces “ jeunes ” fumeurs non autorisés, bénéficiant de l’obscurité, échappaient plus facilement aux contrôles.
En fait, la plupart des “grands” qui venaient là pour fumer n’appréciaient pas vraiment la présence d’un élève de troisième ou de quatrième, sauf s’il s’agissait d’un de leurs copains ; et encore fallait-il qu’il soit assez grand pour être pris pour un élève de seconde.

La grande cour servait aussi pour les heures d’éducation physique : sous la direction des professeurs de cette matière, on en faisait le tour à la course, un grand nombre de fois. Un terrain de volley-ball, situé sur la partie avant de la cour, côté boulevard, faisait le bonheur des grands pensionnaires, avant l’étude de fin d’après-midi.

La grande cour, en 1965

La deuxième cour, baptisée “ petite cour ”, se situe en contrebas et présente une surface nettement plus restreinte. Réservée aux récréations des sixièmes et cinquièmes, elle résonnait des cris de ces jeunes élèves qui, courant en tous sens, donnaient à ce lieu une image de vie intense, en comparaison du calme relatif de la grande cour.

La cour d’honneur, troisième cour du lycée, présentait quelques particularités. Tout d’abord, il s’agissait plutôt d’un jardin d’honneur ; on y trouvait, tout comme aujourd’hui, arbres et arbustes, bassin et statues. Les élèves n’y avaient guère accès, sauf deux fois par an.
La première fois, à l’occasion d’une cérémonie à la mémoire de Jean Moulin, qui fut élève à Henri IV. Ce jour-là, à moitié matinée, toutes les classes défilaient devant la stèle honorant le héros, en présence des responsables du lycée, des personnalités de la ville et surtout de Madame Laure Moulin, sœur de Jean Moulin.
Avant de quitter la salle de classe, le professeur demandait aux internes d’ôter leur blouse grise, puis donnait les consignes de bonne tenue qu’imposait cette commémoration.
Nous posions le pied dans la cour d’honneur une deuxième fois dans l’année, le jour des photos de classe, devant la statue. Le reste du temps, traverser, ou simplement stationner, dans ce jardin d’honneur pouvait entraîner une réprimande.

Le jardin d’honneur en 1965

Les couloirs d’entrée

L’entrée du lycée, par la grande porte rue Ignace Brunel, ne voyait guère passer d’élèves. Les externes ou demi-pensionnaires ne l’utilisaient jamais ; ils devaient emprunter, pour entrer ou sortir de l’établissement, le portail ouvrant sur la grande cour, rue Étienne Forcadel. Seuls les internes passaient par la porte principale, en partant le samedi à 16 heures, et à leur retour. C’est là qu’ils déposaient leur billet rouge de “ congé dominical ” en entrant le lundi matin avant 8 heures (ou le dimanche soir pour certains).
Autant dire que cette entrée et les deux splendides couloirs de part et d’autre, restaient des lieux plus ou moins méconnus des élèves. De plus, la présence du bureau de Monsieur le Proviseur rendait cet endroit encore plus inquiétant. En semaine, un pensionnaire ne s’y aventurait que par nécessité absolue, dans trois cas bien précis : pour se rendre au parloir, ou à l’infirmerie, ou à la lingerie.

En premier lieu, il pouvait donc être autorisé à emprunter ces couloirs administratifs pour rejoindre le parloir, la plus belle salle du lycée, ornée d’une cheminée et présentant sur marbre une liste d’anciens élèves morts pour la France.
Si, lors des longues récréations (vers 13h ou 16h), une personne extérieure se présentait, pour rendre visite à un interne, le concierge appelait l’élève (par haut-parleur) lequel montait au parloir.

En second lieu, un interne pouvait justifier sa présence dans ce grand couloir s’il devait se rendre à l’infirmerie ou à la lingerie, lesquelles se situaient au-dessus, au deuxième étage. Mais pour y accéder, outre le fait d’emprunter le majestueux couloir à demi-interdit, il fallait, en montant l’escalier, passer, au premier étage, devant l’entrée de l’appartement de fonction soit du proviseur (si on se rendait à l’infirmerie), soit du censeur (si on allait à la lingerie). Beaucoup considéraient ces trajets comme un embarras, et marchaient, à ces endroits, à pas feutrés.
Pourtant on n’allait pas à l’infirmerie ou à la lingerie sans autorisation écrite : un surveillant nous fournissait un billet, sorte de laissez-passer attestant que nous avions été inscrits à telle heure sur les cahiers répertoriant ces déplacements.

Le réfectoire

Le réfectoire restait un lieu inconnu des externes.
Il siégeait au premier étage au-dessus de la cour (et donc au rez-de-chaussée par rapport au jardin d’honneur). La cuisine se situant en-dessous, niveau grande cour, les agents utilisaient un monte-charge pour véhiculer vers le haut les plats à servir.
De grandes tables pour huit nous accueillaient avec des places fixes à l’année. Il convenait donc de bien se positionner dès le premier repas, à la rentrée de septembre, car on ne changeait pas de place par la suite.
Les tables s’alignaient sur deux rangs, de part et d’autre de la salle, laissant au centre un large espace pour les chariots de service. Les deux élèves en bordure de ce passage s’occupaient, en fin de repas de réceptionner et empiler correctement les assiettes et couverts de la table. Ceux situés vers le centre de la table devaient servir car les denrées arrivaient en plats pour huit. Ceux positionnés côté mur distribuaient les serviettes de table, situées dans des petits casiers, au-dessus et les y rangeaient en fin de repas.

Au petit déjeuner, nous avions café et lait, en grandes carafes métalliques, des tartines de pain à peu près à volonté, avec beurre, confiture ou miel. Celui-ci arrivait dans une grande coupelle et l’un de nous devait le partager en huit parts égales, à l’aide des huit cuillères à soupe de la tablée ; opération facile si le miel se présentait relativement épais ; opération plus que délicate quand le miel, trop liquide, coulait en dehors des cuillères (on les positionnait alors le plus possible à l’horizontale en appuyant la queue de chacune sur d’épaisses tranches de pain !). Même chose avec la confiture.

Nous prenions le déjeuner (qu’on nommait dîner) à midi, en premier service, les demi-pensionnaires passant à table en deuxième service vers 13 heures. Et le dîner (on disait le souper en ce temps-là) nous était servi vers 19 heures 15. Le menu comprenait toujours entrée, viande, légumes et dessert. En principe, on n’avait jamais à se plaindre de la nourriture à l’internat.
Les samedis et dimanches, le nombre de présents étant léger, on se retrouvait, à table, avec des élèves non connus, parfois des grands, mais on n’a jamais eu à subir des maltraitances du genre :
« Tu es un petit sixième donc tu auras moins de dessert que nous qui sommes des grands ».

Au cours du repas de midi, un surveillant distribuait le courrier. Pour un pensionnaire, loin de son village et de sa famille, recevoir une lettre représentait un vrai bonheur et illuminait la journée. Chacun pouvait également envoyer une lettre en la remettant au surveillant d’étude, en fin d’après-midi.

Le jardin d’honneur, côté statue  –  1965

Les dortoirs

Les dortoirs, juchés dans les derniers étages, présentaient deux alignements de lits sans séparation. La salle d’eau, commune aux quarante ou cinquante occupants, n’offrait que quelques lavabos et un seul wc, d’où des queues parfois bien longues, en particulier lors de la toilette du matin.
Le surveillant dormait dans le dortoir ; il disposait d’un bureau et d’un lit, aménagés derrière une paroi de bois et verre qui le dissimulait à nos yeux.
Une spécificité du dortoir six (où dormaient les sixièmes) résidait dans l’absence de lavabos, remplacés par une sorte d’auge, d’une bonne longueur, avec plusieurs robinets ; un lavabo pour sept ou huit garçons, en quelque sorte. Ce dortoir deviendra, beaucoup plus tard, une salle de dessin.

On ne disposait pas de douches dans les dortoirs. Deux salles de douches existaient ailleurs, dans le lycée, l’une près de la petite cour, l’autre aux abords du gymnase. Nous nous y rendions, sous la direction d’un surveillant, une fois par semaine, à une heure bien précise (souvent le jeudi matin en l’absence de cours).

Les salles de classe

Les salles de classe, qui s’alignaient sur plusieurs étages, donnaient toutes sur les galeries extérieures ; changer de salle entre deux cours obligeait donc à passer dehors (ce qui est toujours le cas actuellement).

Certaines salles présentaient une affectation bien définie, par exemple :

  • Les salles d’étude, au nombre de huit ou dix, essentiellement autour de la grande cour, assuraient deux fonctions : salles de classe dans la journée, salles d’étude des pensionnaires en fin d’après-midi, avec, pour cela, des alignements de casiers en bois, superposés, chacun fermé par le cadenas de l’interne concerné.
  • Au deuxième étage, les salles de physique-chimie, en gradin afin de bien voir les expériences réalisées par le professeur sur sa large paillasse.
  • Les salles de sciences naturelles, pareillement équipées ; l’une d’elles, plus moderne, se trouvait dans le ʺ bâtiment neuf ʺ.
  • Le gymnase, à demi tapi en sous-sol, n’offrait pas assez d’espace pour plusieurs classes en même temps.
  • “La Vigilante”, seule grande salle, toute en longueur, servait à des projections cinématographiques pour plusieurs classes, mais avec une très mauvaise acoustique. Presque entièrement en sous-sol, elle n’était accessible que par la rue Tourventouse, obligeant donc les élèves, pour s’y rendre, à sortir du lycée, accompagnés bien sûr !
  • Les toilettes-élèves (seulement pour garçons !), situées dans deux espaces, un par cour, connaissaient des affluences notables, au moment des récréations.
  • La bibliothèque, installée dans une toute petite salle du ʺ bâtiment neuf ʺ ne ressemblait en rien aux CDI (Centre de Documentation et d’Information) des lycées d’aujourd’hui. On pouvait seulement y emprunter de classiques livres de lecture (pas de bandes dessinées, pas de livres illustrés… et pas de lecture sur place…). Une dame tenait le poste de bibliothécaire.
  • Les salles de classe du lycée, bien que nombreuses, ne suffisaient pas, vu le nombre important d’élèves (plus de 1000, pour plus de 30 classes). Deux annexes complétaient la structure :

      * Le bâtiment Lagarrigue, face aux Halles, prêtait deux ou trois salles, en rez- de-chaussée, dont une pour le “ travail manuel ”, une autre pour le dessin.
      * Plus loin, l’ancienne caserne du quartier Saint Jacques fournissait trois dortoirs, pouvant accueillir plus de cent élèves.

Signalons enfin les nombreuses cages d’escaliers, ouvertes à tout vent. Mais le plus remarquable dans la structure du lycée restait l’ouverture de ses cours sur l’ouest. En raison de l’implantation des bâtiments pratiquement en haut de la colline biterroise, les cours offraient (et offrent toujours) un point de vue admirable sur la plaine de l’Orb avec, au loin, les contreforts des Cévennes et de la Montagne Noire. Les internes appréciaient ce panorama et s’amusaient à localiser leur village, là-bas, au loin. Ainsi, le pensionnat à Henri IV ne ressemblait pas à une prison !

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Chapitre 1 : L’entrée d’un élève en internat en septembre 1960

Nous sommes donc en 1960 ; l’école est obligatoire de 6 ans à 14 ans. Les écoles maternelles sont peu développées, mais, dans les villages dépourvus de maternelle, les enfants sont pris en charge en primaire à partir de 5 ans.
La majorité des élèves fréquente cette école primaire jusqu’à 14 ans, et se présente au Certificat d’Études Primaires à cet âge, en clôture de scolarité.
L’obligation scolaire passera à 16 ans en 1967.
Seuls les bons élèves (en 1960) ont la possibilité, à 11 ans, d’entrer en 6ème au lycée et d’y poursuivre leurs études jusqu’au Baccalauréat.
On peut aussi entrer en 6ème au CEG (Collège d’Enseignement Général), ou un peu plus tard, en 1963, au CES (Collège d’Enseignement Secondaire).
CEG et CES deviendront ʺCollège Uniqueʺ en 1975.
Mais, en 60, Lycées et CEG n’existent, en général, que dans les grandes villes, et les ramassages scolaires ne sont pas encore organisés. Ainsi, un enfant de la campagne, élève de CM2 en 1960, qui désire entrer en 6ème, va devoir s’inscrire à l’internat du lycée le plus proche.
Dans le biterrois, le lycée sera soit ʺHenri IVʺ (pour les garçons), soit le ʺLycée de Jeunes Fillesʺ (pour les filles).
Nous allons suivre un jeune garçon, habitant à quelques dizaines de kilomètres de Béziers, dans sa scolarité à ʺHenri IVʺ, de la sixième à la terminale, de 1960 à 1967.

L’installation à l’internat

Un peu avant la rentrée de septembre, les pensionnaires devaient se présenter au lycée, avec les parents, pour retenir leur place au dortoir et en salle d’étude. Autant dire que, pour le jeune élève de sixième débarquant de sa campagne profonde, la journée était capitale, mêlant découvertes et questionnements, inquiétudes et satisfactions.

Cette année-là (1960), les internes de sixième furent affectés au « Dortoir 6 » et à l’« Étude 8 ».
Le dortoir, perché au quatrième et dernier étage d’une des ailes du bâtiment, comptait environ vingt-cinq ou trente lits. Il présentait une allée centrale et deux alignements de lits en fer, modèle “armée” ; à côté de chacun, une armoire, fort étroite et haute, en fer également, constituerait notre propriété privée, verrouillée par le premier cadenas.

La salle d’étude se situait au troisième étage, sur une galerie éloignée de la cour. Des casiers en bois, de taille modeste, alignés en fond de salle, reçurent cahiers et livres. Une étiquette donnait le nom de l’occupant du casier, que l’on fermait avec le deuxième cadenas.
Après ces installations on se rendait à la lingerie pour y déposer le trousseau (draps et serviettes).

Le passage vers la cour d’honneur, en 1966

L’entrée au lycée

Il ne restait plus qu’à attendre le jour de la rentrée des classes, fixée au vendredi 16 septembre 1960 ; mais les pensionnaires intégrant le lycée la veille, le vrai “grand jour” pour les sixièmes internes se déroula le jeudi 15 septembre.

Les petits nouveaux allèrent de découverte en découverte : après le premier repas au réfectoire et la première nuit au dortoir, voici le premier petit déjeuner… et la première journée de classe.

Avant huit heures, la cour se remplit de garçons ; nous étions les plus jeunes…Un surveillant fit l’appel, classe par classe, puis on nous dirigea vers une salle où le professeur de français nous dicta l’emploi du temps, en nous expliquant son fonctionnement. Si la succession des cours paraissait simple à comprendre, il n’en était pas de même pour la localisation des salles. Dans un si grand lycée, avec trois ailes de quatre étages, deux cours, de nombreuses galeries, et un nombre de salles de classe qui paraissait démesuré, comment faire, à chaque changement d’heure, pour trouver où aller, sans se perdre ?
Et l’inquiétude s’accrût encore lorsque le professeur ajouta…
« Pour le travail manuel du samedi après-midi, la salle se trouve à l’extérieur du lycée, à l’annexe, non loin des Halles ; vous vous rangerez près des cuisines. »

Mais au final, tout se passa quand même sans incident ; personne ne s’égara, du moins le premier jour ; chacun s’employait à mémoriser les circuits empruntés pour rejoindre les différentes salles.
Au soir, la montée au dortoir marquait la fin d’une journée dense mais riche en apprentissage de la vie qui serait désormais la nôtre chaque jour.

Le premier dimanche

Le lendemain marqua déjà la fin de la semaine. Les cours du samedi se déroulèrent dans l’ordre de l’emploi du temps, et nous voilà arrivés à notre premier dimanche en internat. Plusieurs internes rejoignaient leurs familles, mais nous étions quand même nombreux à demeurer au lycée. Le samedi soir, la discipline sembla quelque peu atténuée et le dimanche matin, certains purent quitter l’internat pour la journée.
Car chaque pensionnaire avait un correspondant en ville, susceptible de venir chercher l’enfant en cas de nécessité (grève du personnel d’internat, maladie…). C’était souvent un membre ou un ami de la famille, habitant Béziers.
Durant la récréation du dimanche matin, de 10 heures à 11 heures, ce correspondant se présentait à la loge du concierge, lequel lançait un appel au haut-parleur de la grande cour :
« L’élève ʺUntelʺ est demandé au parloir ».
La journée, ainsi passée en famille, paraissait longue et réconfortante, mais il fallait rentrer au lycée avant 19 heures.

La première semaine

Les deux jours de classe déjà vécus nous avaient fait rencontrer quelques professeurs ; les jours suivants nous permirent de connaître tous les autres. Chacun d’eux énonça la liste du matériel nécessaire pour suivre correctement son cours.
En particulier, le professeur de dessin dicta une liste peu claire pour un petit sixième qui n’avait pas eu de vrais cours de dessin à l’école primaire. On y trouvait par exemple un ʺ affûtoir ʺ (jusqu’à présent, nous n’avions qu’un appointe-crayon ! ). Mais ce sont les couleurs de gouache à acheter qui intriguaient le plus, en raison de couleurs inconnues jusque-là : ʺ Sienne naturelleʺ et ʺTerre de Sienne brûlée ʺ. Qu’était donc cette “ Sienne ” et comment pouvait-on faire brûler de la terre ?
Le professeur de travail manuel demanda des fournitures de papier ou carton aux dimensions précises, de quoi inquiéter un pensionnaire qui ne rentre pas chez lui tous les samedis. Comment se les procurer ?

Mais tous ces petits soucis d’un interne débutant trouvèrent vite une solution, et, à la fin de la semaine, tout semblait en place pour vraiment commencer l’année scolaire. En particulier, chacun avait bien repéré l’emplacement des salles et surtout commençait à maîtriser le fonctionnement de l’internat : les lieux, les horaires, les déplacements, et, surtout, les interdictions…

La première sortie

L’interne désirant retourner chez lui le samedi devait en faire la demande écrite le jeudi, durant l’étude du soir, en remplissant un “billet de sortie” rouge. Par suite, l’administration validait cette demande et le pensionnaire reprenait le précieux document le samedi à 16 heures en quittant le lycée. Les parents signaient le billet durant le dimanche et l’enfant le déposait à la loge en entrant à l’internat le lundi matin.
Pour beaucoup, la première sortie se fit à la fin de la semaine de rentrée. Mais certains internes, ceux qui habitaient loin, restaient en pension plusieurs dimanches de suite, avant de partir chez eux un samedi. Et pour les quelques garçons dont le village se trouvait vraiment fort loin, point de sortie le samedi ; ils devaient attendre les vacances scolaires pour retrouver le cocon familial !                     

Un billet de sortie… de 1966

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