Nous sommes donc en 1960 ; l’école est obligatoire de 6 ans à 14 ans. Les écoles maternelles sont peu développées, mais, dans les villages dépourvus de maternelle, les enfants sont pris en charge en primaire à partir de 5 ans.
La majorité des élèves fréquente cette école primaire jusqu’à 14 ans, et se présente au Certificat d’Études Primaires à cet âge, en clôture de scolarité.
L’obligation scolaire passera à 16 ans en 1967.
Seuls les bons élèves (en 1960) ont la possibilité, à 11 ans, d’entrer en 6ème au lycée et d’y poursuivre leurs études jusqu’au Baccalauréat.
On peut aussi entrer en 6ème au CEG (Collège d’Enseignement Général), ou un peu plus tard, en 1963, au CES (Collège d’Enseignement Secondaire).
CEG et CES deviendront ʺCollège Uniqueʺ en 1975.
Mais, en 60, Lycées et CEG n’existent, en général, que dans les grandes villes, et les ramassages scolaires ne sont pas encore organisés. Ainsi, un enfant de la campagne, élève de CM2 en 1960, qui désire entrer en 6ème, va devoir s’inscrire à l’internat du lycée le plus proche.
Dans le biterrois, le lycée sera soit ʺHenri IVʺ (pour les garçons), soit le ʺLycée de Jeunes Fillesʺ (pour les filles).
Nous allons suivre un jeune garçon, habitant à quelques dizaines de kilomètres de Béziers, dans sa scolarité à ʺHenri IVʺ, de la sixième à la terminale, de 1960 à 1967.
L’installation à l’internat
Un peu avant la rentrée de septembre, les pensionnaires devaient se présenter au lycée, avec les parents, pour retenir leur place au dortoir et en salle d’étude. Autant dire que, pour le jeune élève de sixième débarquant de sa campagne profonde, la journée était capitale, mêlant découvertes et questionnements, inquiétudes et satisfactions.
Cette année-là (1960), les internes de sixième furent affectés au « Dortoir 6 » et à l’« Étude 8 ».
Le dortoir, perché au quatrième et dernier étage d’une des ailes du bâtiment, comptait environ vingt-cinq ou trente lits. Il présentait une allée centrale et deux alignements de lits en fer, modèle “armée” ; à côté de chacun, une armoire, fort étroite et haute, en fer également, constituerait notre propriété privée, verrouillée par le premier cadenas.
La salle d’étude se situait au troisième étage, sur une galerie éloignée de la cour. Des casiers en bois, de taille modeste, alignés en fond de salle, reçurent cahiers et livres. Une étiquette donnait le nom de l’occupant du casier, que l’on fermait avec le deuxième cadenas.
Après ces installations on se rendait à la lingerie pour y déposer le trousseau (draps et serviettes).
Le passage vers la cour d’honneur, en 1966
L’entrée au lycée
Il ne restait plus qu’à attendre le jour de la rentrée des classes, fixée au vendredi 16 septembre 1960 ; mais les pensionnaires intégrant le lycée la veille, le vrai “grand jour” pour les sixièmes internes se déroula le jeudi 15 septembre.
Les petits nouveaux allèrent de découverte en découverte : après le premier repas au réfectoire et la première nuit au dortoir, voici le premier petit déjeuner… et la première journée de classe.
Avant huit heures, la cour se remplit de garçons ; nous étions les plus jeunes…Un surveillant fit l’appel, classe par classe, puis on nous dirigea vers une salle où le professeur de français nous dicta l’emploi du temps, en nous expliquant son fonctionnement. Si la succession des cours paraissait simple à comprendre, il n’en était pas de même pour la localisation des salles. Dans un si grand lycée, avec trois ailes de quatre étages, deux cours, de nombreuses galeries, et un nombre de salles de classe qui paraissait démesuré, comment faire, à chaque changement d’heure, pour trouver où aller, sans se perdre ?
Et l’inquiétude s’accrût encore lorsque le professeur ajouta…
« Pour le travail manuel du samedi après-midi, la salle se trouve à l’extérieur du lycée, à l’annexe, non loin des Halles ; vous vous rangerez près des cuisines. »
Mais au final, tout se passa quand même sans incident ; personne ne s’égara, du moins le premier jour ; chacun s’employait à mémoriser les circuits empruntés pour rejoindre les différentes salles.
Au soir, la montée au dortoir marquait la fin d’une journée dense mais riche en apprentissage de la vie qui serait désormais la nôtre chaque jour.
Le premier dimanche
Le lendemain marqua déjà la fin de la semaine. Les cours du samedi se déroulèrent dans l’ordre de l’emploi du temps, et nous voilà arrivés à notre premier dimanche en internat. Plusieurs internes rejoignaient leurs familles, mais nous étions quand même nombreux à demeurer au lycée. Le samedi soir, la discipline sembla quelque peu atténuée et le dimanche matin, certains purent quitter l’internat pour la journée.
Car chaque pensionnaire avait un correspondant en ville, susceptible de venir chercher l’enfant en cas de nécessité (grève du personnel d’internat, maladie…). C’était souvent un membre ou un ami de la famille, habitant Béziers.
Durant la récréation du dimanche matin, de 10 heures à 11 heures, ce correspondant se présentait à la loge du concierge, lequel lançait un appel au haut-parleur de la grande cour :
« L’élève ʺUntelʺ est demandé au parloir ».
La journée, ainsi passée en famille, paraissait longue et réconfortante, mais il fallait rentrer au lycée avant 19 heures.
La première semaine
Les deux jours de classe déjà vécus nous avaient fait rencontrer quelques professeurs ; les jours suivants nous permirent de connaître tous les autres. Chacun d’eux énonça la liste du matériel nécessaire pour suivre correctement son cours.
En particulier, le professeur de dessin dicta une liste peu claire pour un petit sixième qui n’avait pas eu de vrais cours de dessin à l’école primaire. On y trouvait par exemple un ʺ affûtoir ʺ (jusqu’à présent, nous n’avions qu’un appointe-crayon ! ). Mais ce sont les couleurs de gouache à acheter qui intriguaient le plus, en raison de couleurs inconnues jusque-là : ʺ Sienne naturelleʺ et ʺTerre de Sienne brûlée ʺ. Qu’était donc cette “ Sienne ” et comment pouvait-on faire brûler de la terre ?
Le professeur de travail manuel demanda des fournitures de papier ou carton aux dimensions précises, de quoi inquiéter un pensionnaire qui ne rentre pas chez lui tous les samedis. Comment se les procurer ?
Mais tous ces petits soucis d’un interne débutant trouvèrent vite une solution, et, à la fin de la semaine, tout semblait en place pour vraiment commencer l’année scolaire. En particulier, chacun avait bien repéré l’emplacement des salles et surtout commençait à maîtriser le fonctionnement de l’internat : les lieux, les horaires, les déplacements, et, surtout, les interdictions…
La première sortie
L’interne désirant retourner chez lui le samedi devait en faire la demande écrite le jeudi, durant l’étude du soir, en remplissant un “billet de sortie” rouge. Par suite, l’administration validait cette demande et le pensionnaire reprenait le précieux document le samedi à 16 heures en quittant le lycée. Les parents signaient le billet durant le dimanche et l’enfant le déposait à la loge en entrant à l’internat le lundi matin.
Pour beaucoup, la première sortie se fit à la fin de la semaine de rentrée. Mais certains internes, ceux qui habitaient loin, restaient en pension plusieurs dimanches de suite, avant de partir chez eux un samedi. Et pour les quelques garçons dont le village se trouvait vraiment fort loin, point de sortie le samedi ; ils devaient attendre les vacances scolaires pour retrouver le cocon familial !
Un billet de sortie… de 1966